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Le mythe de la dominance


« il faut dominer son chien » « mon chien est un dominant/soumis »

Je pense pouvoir m’avancer en disant que vous avez déjà entendu ces phrases et pour cause la dominance chez le chien est un mythe très persistant que beaucoup de professionnels prônent encore bien que cette théorie ait été réfuté il y a plus d’une vingtaine d’année.

Mais d’où vient ce mythe ? Pourquoi en entend-t-on encore parlé ? Pourquoi est-il dangereux de continuer à le propager ?



Un peu d'histoire...


Reprenons depuis le début, à partir de l’article publié en 1947 écrit par Rudolf Schenkel « Expressions Studies on Wolves », on observe des loups en captivités et en conclu qu’ils présentent une hiérarchie basée sur un modèle de dominant/dominé. C’est avec le livre de David Mech, sorti en 1970, The Wolf: The Ecology and Behavior of an Endangered Species, que tout s’accélère. Ce modèle est très vite adopté pour le comportement des chiens, créant ainsi des dérives au niveau de l’éducation et de l’étude du comportement (lois de la meute, Programme de rétrogradation hiérarchique, test Campbell, etc). C’est en 1999 que David Mech revient sur ses observations dans son article « Alpha Status, Dominance, and Division of Labor in Wolf Packs ». L’étude des loups en captivité ne représentant pas la réalité des loups vivant en liberté (espaces restreints, loups de différentes familles, aucune possibilité de partir de la « meute »).



Le mythe de la dominance persiste


Mais si cette théorie visant le loup (même pas le chien) a été réfuté, pourquoi en parle-t-on encore ?


Le plus gros problème est le manque de connaissances de la part des professionnels du milieu canin qui entraîne le partage d’informations erronées aux gardiens ou futurs professionnels. Beaucoup de professionnels se contentent de faire des formations, voir très peu de formations, parfois même seulement l’ACACED (formation de 2 jours obligatoire pour exercer). Si on tombe sur les mauvaises formations et qu’on ne cherche pas de nouvelles sources d’informations alors la remise en question de ses connaissances est plus complexe. Avec de nouvelles informations (livres, articles scientifiques, blog, pages), il ne reste souvent plus qu’à observer les faits, surtout quand on parle du comportement, puis de faire le tri.


Ensuite, vient un pourcentage plus faibles de personnes mais qui sont généralement plus difficiles à convaincre des faits : les personnes dans le déni. Admettre que l’on s’est trompé, que nous avons certainement mis notre chien dans des situations inconfortables, parfois avec violence, pour rien, peut être difficile à accepter. Les actes violents, qu’ils soient physiques ou psychologiques, ne trouvant plus de justification dans cette théorie erronée, le plus simple est encore de nier la réfutation de la théorie.


Il existe également, malheureusement, des personnes totalement conscientes que la dominance est un mythe mais se servent de l'approbation de la société, la méconnaissance de la majorité pour utiliser la violence sur leur animal.



Le mythe de la dominance est dangereux


Ce dernier point nous emmène vers ce questionnement : pourquoi est-ce dangereux de continuer à véhiculer cette théorie ?

Comme nous l’avons évoqué, la théorie de la dominance à amener avec elle des études de comportement et des méthodes éducatives qui sont donc incorrectes car basées sur une théorie erronée.


Elles représentent un danger pour deux raisons :


1. L’étude du comportement du chien est vite faite, « il fait ça, il est dominant/dominé », on ne cherche pas la véritable raison de ce comportement et on ne peut pas trouver de réelle solution pour aider le chien et son gardien à résoudre le problème.

« Or il y a une règle absolue en neurosciences, c’est que tout ce qui demande un effort est impopulaire pour le cerveau et tout ce qui ne demande aucun effort est populaire. » - Idriss ABERKANE

2. L’éducation est généralement basée sur la violence physique et/ou psychologique. La solution donnée est souvent d’appliquer les lois de la meute qui sont souvent incohérentes et mettent le chien dans des situations très inconfortables, pouvant même générer plus de soucis comportementaux, de l’agressivité, de la peur et altérer sa capacité de prise de décision.


La croyance encore persistante à cette théorie bloque la compréhension de son chien et peut entraîner un lot de violences et/ou des attitudes incohérentes pouvant altérer le bien-être du chien.



Que dit la science sur la dominance ?


Nous allons aborder cette question en 2 parties : la dominance intraspécifique (entre deux membres de la même espèce) et la dominance interspécifique (entre deux individus d’espèces différentes).


Tout d’abord, parlons de la dominance intraspécifique, entre deux membres de la même espèce, entre les chiens. Le modèle de hiérarchie imposé aux chiens est celui des loups que l’on a observé, à l’époque, en captivité, donc hors de leur milieu naturel en liberté, ce qui leur imposait de vivre dans un lieu restreint mais aussi de vivre ensemble obligatoirement. Après des études plus récentes des loups, cette fois, dans leur espace naturel, on a pu observer une organisation de famille, ce que l’on appelle la meute, avec les parents, nommés les alphas dans la majorité des ouvrages, leur progéniture et dans de très rares cas des loups solitaires (extérieur à la famille). La progéniture, une fois adulte, peut décider de partir en quête d’un autre loup solitaire et former sa propre famille, chose qui était impossible lors des études en captivité. Les loups chercheront toujours à éviter le conflit et respectent la communication leurs congénères, c’est la raison pour laquelle l’espace restreint, ne leur permettant pas de communiquer correctement, enclenchait des comportements agressifs. Il n’y a pas de tentation de prise de pouvoir, pas de dominance.

En plus du fait que le loup ne fonctionne pas sur un modèle de dominance mais de famille, on notera que le chien reste une espèce à part entière, même les races les plus proches du loup. L’observation des chiens féraux (= chiens sauvages) a montré des groupes d’individus désorganisés contrairement aux loups : pas/peu de coopération et coordination, pas de régulation pour la reproduction.

Le chien, déjà bien éloigné du loup qui ne présente pas de hiérarchie comme l’entend la théorie sur la dominance, ne montre pas le même fonctionnement social avec ses congénères.


Maintenant, parlons de la dominance interspécifique. Il n’existe aucune étude démontrant que deux individus d’espèces différentes puissent essayer de se dominer. Parlons un peu des fameuses « lois de la meute ». Elles ont été instaurées dans l’éducation canine après l’étude des loups en captivité qui est erronée et ne sont pas représentatives du comportement du loup entre congénères, alors encore moins entre deux individus d’espèces différentes, le chien ne les comprend pas. De plus, nos moyens de communication et nos corps étant différents, il est impossible de complètement imiter le comportement qu’ils ont entre eux. Pas d’inquiétudes à avoir sur un certain statut à maintenir, il n’y a qu’à créer une belle relation de confiance, plein d’amour avec son loulou.


Les comportements observés chez les chiens qui sont souvent associés à de la dominance ont en réalité une autre signification. Pour comprendre son chien, il est important d’apprendre le langage canin et d’étudier son comportement afin de connaître les raisons de celui-ci.

Le livre de Turid Rugaas, Les signaux d’apaisement : les bases de la communication canine, aide beaucoup à comprendre son chien.

Pour complémenter l’argumentation sur la dominance, il y a le livre de Barry Eaton Dominance : mythe ou réalité qui apporte des explications plus détaillées.

Plus vous aurez de connaissances, plus vous pourrez comprendre le chien et contrer les arguments qu’on vous donne en parlant de dominance.



Explication des comportements


Souvent, une fois que l’on a expliqué toute la partie scientifique sur la dominance, il y a des doutes qui persiste, on ne comprend plus son chien. Mais alors pourquoi fait-il ça si il n’est pas dominant ?

On verra qu’il existe parfois plusieurs explications à un comportement et que tout dépend de votre chien.

Pour comprendre un comportement, il faut d’abord étudier celui de son chien, que fait-il ? En quelles circonstances ? Puis déduire avec des connaissances en éthologie canine pour enfin trouver la solution adaptée.


« Il se met en hauteur » « il se met devant les portes » : Il est simplement bien où il est. Il pourrait aussi vouloir se mettre à des points stratégiques pour mieux vous voir.


« Il monte sur le canapé/lit alors qu’il n’a pas le droit » : Il peut vouloir simplement plus de confort, être près de vous et tester si il a maintenant l’autorisation. Il peut ne pas avoir compris qu’il n’avait pas l’autorisation.


« il veut passer la porte avant moi » : Son but n’est pas de passer le premier, il est simplement pressé de sortir (besoin de se dépenser, de sentir une odeur, d’aller voir ce qu’il a entrevu ou entendu, avoir une envie pressante).


« Il chevauche (objets, humains, congénères, etc) » : Le chevauchement, au-delà d’un acte de reproduction, peut traduire une difficulté à gérer une émotion : du stress, de l’excitation.


« Il grogne » : Le grognement est un signal de stress, le chien exprime un mal être élevé. D’après l’échelle de communication canine établie par le Dr. Kendal Shepard, le grognement se place sur le haut de l’échelle. En règle générale, le chien exprime d’autres signaux avant le grognement mais certains peuvent utiliser directement celui-ci surtout si on n’a jamais respecté ses autres signaux plus bas dans l’échelle.

« Il est agressif » : Le chien peut passer à la morsure par instinct de prédation (il va chasser des animaux) ou en cas de stress, lorsqu’il se sent en danger. Cela peut être progressif avec de la communication au préalable si la situation le permet ou instantanément en cas de danger imminant. Selon le vécu du chien, sa socialisation, ses expériences, l’arrivée du danger peut se sentir plus tôt voir lors de situations où il n’y en a pas. Il peut réagir à certains individus en particulier et pas seulement selon l’espèce (sexe, race, espèce, particularité physique) mais aussi face à des situations particulières.


« Il aboie » : C’est un moyen de communiquer que ce soit son mal être, sa joie, attirer l’attention mais aussi prévenir d’un danger.


« Il marque son territoire » : Les études sur les chiens féraux (= errants) ont démontré que le chien n’est pas un animal territorial. Le marquage est un moyen de communication pour les chiens, il peut permettre d’indiquer son passage, se rassurer ou encore se reproduire. C’est pour une raison de reproduction qu’un mâle entier marquera plus que les autres en général et qu’une femelle en chaleur marquera plus qu’en temps normal.


« Il saute sur les humains » : Les chiens peuvent sauter sur les humains lorsqu’ils sont contents, excités ou demande de l’attention.


« Il tire en laisse » : Il peut vouloir suivre une odeur, être excité ou même avoir appris à tirer. Il peut également vouloir fuir quelque chose, avoir peur.




Sources :

  • Rudolf Schenkel, « Expressions Studies on Wolves », 1947

  • David Mech, The Wolf: The Ecology and Behavior of an Endangered Species, 1970

  • Extrait interview L. David Mech

  • Article L. David Mech « Alpha Status, Dominance, and Division of Labor in Wolf Packs », 1999,

  • Barry Eaton, Dominance Mythe ou réalité : Les éditions du génie canin, 2008

  • Turid Rugaas, Les signaux d’apaisement : les bases de la communication canine, Les éditions du Génie Canin

  • Alika Team & Mon Animal au Naturel, « 5 choses à savoir sur la dominance », Je parle chien !

  • Biotani et al., « Comparative social ecology of feral dogs and wolves », Ethology Ecology & Evolution, 1995

  • « Dogs are more Pessimistic if their Owners use Two or More Aversive Training Methods », Cassey et al., 2021

  • « Survey of the use and outcome of confrontational and non-confrontational training methods in client-owned dogs showing undesired behaviors », Herron et al., 2009

  • « Behaviour of smaller and larger dogs : Effects of training methods, inconsistency of owner behaviour and level of engagement in activities with the dog », Arhant et al., 2009

  • « Dog training Methods : their Use, Effectivenss and Interaction with Behaviour and Welfare », Hiby et al., 2004

  • Anaïs Dethou, « Pourquoi bannir la coercition et la punition de la vie de son chien est une question de bien être ? », @derriere.la.grille, 2021

  • Romy Crétiaux, « Comportement du chien, 4 idées reçues », Blog Wouf Wouf, 2020

  • Dr. Kendal Shepard, « l’échelle de l’agression canine »

  • « Lupi vs cani mastini tibetani »

  • Idriss Aberkane, « Comment libérer et muscler votre cerveau », 2018








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